Un testament peu ordinaire

Par André JOLY – CGSL

Le 30 mai 1767, Françoise BEAUBERNARD dicte son testament à Maître Philippe FEBVRE, notaire au Mont-Saint-Vincent (71). Le document est banal et classique, mais ce qui ne l’est pas, c’est la personnalité de la testatrice et les circonstances dramatiques qui ont motivé cet acte.

Lorsqu’elle dicte son testament, Françoise est âgée… de 14 ans et une série incroyable de catastrophes a frappé sa famille.

Françoise naît le 12 novembre 1752 à Saint-Vallier. Elle est la benjamine des dix enfants du premier mariage de Jean-Marie BEAUBERNARD et Denise LANGERON. Sa mère est morte des suites de l’accouchement, de même que sa sœur jumelle. Trois de ses autres frères et sœurs sont déjà décédés.

Jean-Marie épouse en secondes noces Jeanne TRAHAN en juillet 1753. Le couple aura six enfants de 1754 à 1764.

L’année 1766 est marquée par les décès de Philibert 4 ans, Marie 10 ans, Gabriel-Louis 12 ans, Jean-François 16 ans, Jean-Benoît 25 ans.

Antoinette, la sœur aînée de Françoise, meurt le 20 avril 1767, deux mois après son mariage, à l’âge de 27 ans. Jeanne TRAHAN meurt le 9 mai 1767.

C’est probablement à la suite de tous ces malheurs que Françoise demande à faire son testament. L’acte est rédigé dans l’étude du notaire en présence des deux témoins requis (un huissier et un maréchal ferrant du Mont-Saint-Vincent). Comme elle est mineure, elle doit être autorisée par son père. Cette formalité accomplie, le père se retire, laissant sa fille seule avec le notaire et les témoins. On imagine l’émotion de cette très jeune fille, seule avec ces trois hommes qu’elle ne connaît sans doute pas. Pour épargner la sensibilité de sa cliente, le notaire expédie en quatre lignes les considérations religieuses et d’ordonnancement des obsèques qui remplissent d’ordinaire une bonne demi-page de testament. « premièrement laditte Françoise Beaubernard comm’ une bonne chrétienne a fait le signe de la croix a recommandé son ame a Dieu laissant le soin de ses obsèques et autres prières a ses héritiers ci après dénommés persuadée qu’elle est quils s’en acquiteront bien ».

Seule survivante des enfants de Denise LANGERON et seule héritière de ses biens, elle « dicte, nomme et institue pour ses héritiers universels » son père et ses deux petits frères consanguins survivants, pour un tiers chacun.

Le 20 août 1772, Jean-Marie BEAUBERNARD épouse en troisièmes noces Jeanne AULOY et le 24, Françoise épouse Nicolas COTELLE fils de Jeanne AULOY et feu Philippe COTELLE. A l’occasion de ce mariage, Françoise annule son testament et en dicte un autre, au profit de son époux.

Elle décède le 2 octobre 1773, elle n’a pas encore 21 ans…

La vie familiale de Jean-Marie BEAUBERNARD, marchand fermier aisé du Charollais, n’aura été qu’une longue série de drames. Lorsqu’il décèdera à 69 ans, en 1780, il aura perdu deux épouses et 14 de ses 16 enfants. Il laissera deux jeunes héritiers de 16 et 20 ans, certainement très convoités par les bonnes familles de la région car ils se marieront tous deux à l’âge de 20 ans.

Souce : relevés du CGSL, minutes de Maître FEBVRE cote 3E 16864 aux AD de Mâcon

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